L’imposteur, Javier Cercas
Actes Sud – 404 pages
Prix non membre: 36.95$ – Prix membre: 32.50$
Javier Cercas représente l’un des écrivains espagnols contemporains les plus importants, avec Javier Marías et Pérez Reverte. Après Les soldats de Salamine (Actes Sud, 2002) et Anatomie d’un instant (Actes Sud, 2010), ses deux romans qui ont eu le plus de succès, Cercas revient avec une fiction inspirée d’un fait divers. Si dans Les soldats de Salamine il s’intéressait à la Guerre Civile Espagnole et dans Anatomie d’un instant à la tentative de coup d’État manquée, en 1981, qui a chamboulé la transition Espagnole; dans L’imposteur, Cercas met en scène le personnage d’Enric Marco.
Mais, c’est qui, Enric Marco?
Enric Marco (Barcelone, 1921)
Cercas écrit: «J’ai fait la connaissance d’Enric Marco en juin 2009, quatre ans après qu’il est devenu le grand imposteur et le grand maudit. Marco était un octogénaire de Barcelone qui s’était, pendant presque trois décennies, fait passer pour un ancien déporté dans l’Allemagne d’Hitler et un survivant des camps nazis, qui avait pendant trois ans présidé la grande association espagnole des anciens déportés, l’Amicale de Mauthausen, qui avait tenu des centaines de conférences et accordé des dizaines d’entretiens, qui avait reçu d’importantes distinctions officielles et avait parlé au Parlement espagnol au nom de tous ses prétendus compagnons de malheur, jusqu’à ce que, début mai 2005, on découvre qu’il n’était pas un ancien déporté et qu’il n’avait jamais été prisonnier dans un camp nazi.»
Cette imposture, qui a stupéfié le pays, a éclaté au grand jour à la veille du 60e anniversaire de la libération du camp de Mauthausen, le 8 mai, auquel, fait sans précédent, s’est rendu le Premier ministre espagnol à l’époque, le socialiste José Luis Zapatero.
L’Imposteur est, en effet, une remarquable réflexion sur le héros, sur l’histoire récente de l’Espagne et son amnésie collective, sur le business de la « mémoire historique », sur le mensonge, sur la fonction de la littérature et son inhérent narcissisme, sur la fiction qui sauve et la réalité qui tue.
Le tour de force de ce roman sans fiction saturé de fiction est de confondre un lecteur enferré dans ses propres paradoxes. Le narrateur du roman craint d’être trop proche de son personnage. La répétition, amplification ou réfutation d’arguments et citations, ou encore son certain désordre, sont délibérés. Ou plutôt, pas évités.
Cercas présente des réflexions morales et méta-littéraires sur l’écriture, mêlées à des importantes données sur la vie d’Enric Marco. Un homme qui, finalement, s’est inventée une vie pour être aimé.
Faut-il manger les animaux? Jonathan Safran Foer
Éditions de l’Olivier – 363 pages
Prix non membre: 32.95$ – Prix membre: 28.95$
Jonathan Safran Foer publie son premier essai après Tout est illuminé, devenu un événement littéraire international, et Extrêmement fort et incroyablement près (Prix des libraires du Québec) paru en 2005.
Couvert d’éloges, best-seller aux États-Unis, en Italie et en Allemagne, ce premier essai de Jonathan Safran Foer est un coup de maître. Les questions qu’il pose sont universelles: pourquoi l’homme est-il carnivore? Cet usage est-il moralement légitime? Et surtout, comment traitons-nous les animaux que nous mangeons?
Convoquant souvenirs d’enfance, données statistiques et arguments philosophiques, il interroge les croyances, les mythes et les traditions familiales et nationales existant à ce sujet. Entre une expédition clandestine dans une usine d’abattage industriel et un reportage sur un ranch où l’on pratique l’élevage traditionnel, une recherche sur les dangers du lisier et la visite d’une ferme où les dindes sont élevées en pleine nature, il explore tous les degrés de l’abomination et les derniers vestiges d’une civilisation où l’animal était encore respecté.
Choquant, drôle, inattendu, ce livre devrait susciter passions et polémiques.
«La prochaine fois que vous vous assiérez à table, imaginez que vous êtes avec neuf autres personnes, et qu’ensemble, vous représentiez tous les habitants de la planète. Organisés en nations, deux de vos commensaux seront chinois, deux indiens, un cinquième représentera tous les autres pays de l’Asie centrale, du Nord-est et du Sud. Un sixième représentera les nations de l’Asie du Sud-Est et de l’Océanie, un septième l’Afrique subsaharienne, un huitième le reste de l’Afrique et le Moyent-Orient. Un neuvième représentera l’Europe. Et la dernière place, celle des pays d’Amérique centrale, du Sud et du Nord, sera la vôtre.
Dispatchées en fonction du type de nutrition, une personne sur les dix présentes mourrait de faim, et deux seraient obèses. Plus de la moitié suivraient un régime essentiellement végétarien, mais cette proportion diminue. Les végétariens stricts et les végétaliens occuperaient tout juste une place. Et plus de la moitié des fois où l’un d’entre vous se servirait d’œufs, de poulet ou de porc, il s’agirait de produits de l’élevage industriel. Si la tendance se maintenait pendant encore vingt ans, ce serait également le cas pour le bœuf et le mouton.
La nourriture importe, les animaux importent, et le fait de s’en nourrir importe plus encore. La question de manger des animaux dépend, au bout du compte, de la perception que nous avons de cet idéal que nous appelons, peut-être imparfaitement, ‘le fait d’être humain’.
Je m’aperçois que je suis tout près de suggérer, idée saugrenue, que chacun d’entre nous peut faire la différence. La réalité est évidemment plus compliquée. En tant que ‘mangeur solitaire’, vos décisions, en elles-mêmes, ne changeront rien à l’industrie agroalimentaire. Cela dit, à moins d’acheter votre nourriture en secret et de prendre vos repas enfermé, vous ne mangez pas seul. Même si nous le voulions, nous ne pourrions pas empêcher notre activité de mangeurs d’avoir une influence.»